Dans le procès de Nordahl Lelandais, la journée de mercredi a été marquée par les plaidoiries des avocats des parents de la victime, Maëlys.
À l’heure où la conviction des jurés est peut-être faite, la parole fut donnée, mercredi après-midi, aux avocats des parents de Maëlys pour leurs plaidoiries. Derniers arguments, derniers raisonnements. Aucun n’usa de ces grosses ficelles ni d’envolées qui ravissent les commentateurs. Ils restèrent collés aux faits implacables du dossier. Dignes, comme, ont-ils rappelé, le furent ces deux semaines et demie de débats. Verbatim, dans l’ordre d’apparition de chacun.
« Juger ce dossier, c’est regarder en face, sans crainte et sans haine, l’atrocité des faits » commença Me Martin Vatinel, l’un des deux avocats de Joachim de Araujo, le père de l’enfant. Il a fait revivre sa fille, son arrivée joyeuse au mariage, fin août 2017, après des vacances heureuses au Portugal, son enthousiasme de changer d’école, cahiers et stylos rangés dans son cartable. « Ses parents ne l’accompagneront jamais à l’autel de son mariage ». Il évoqua le naufrage du père « perdu en mer dans un horizon sans rivage, comme il le dit lui-même à la barre (…) un horizon, a-t-il poursuivi en regardant Lelandais, que vous avez alimenté pendant six mois par vos mensonges ». Ce père qui, pendant les six mois où il espérait que Maëlys soit retrouvée vivante, a perdu 28 kilos, exactement le poids de sa fille. Me Vatinel aborda le mobile de l’enlèvement, seul mystère dans ce dossier. Est-il sexuel ? « Ma conviction est faite ». Et d’évoquer presque physiquement le calvaire de la petite fille lorsque « votre haine, M. Lelandais, votre violence inouïe s’est abattue. Bien sûr qu’elle a hurlé, qu’elle a supplié. Vous avez senti ses os craquer, son visage se fissurer. Vous l’avez vu, son sang couler ».
Laurent Boguet, avocat au barreau de Toulouse où il représente d’ailleurs le fils de Delphine Jubilar, s’adressa à Lelandais pour pointer sa froideur, ses dénis. « Être avocat, cela fait de nous ces mineurs de fond qui vont chercher dans la vase, dans la boue, de petites parcelles d’humanité. Je vous en veux, Nordahl Lelandais, car vous m’avez fait douter de mes capacités. Vous avez fait le choix de nous faire visiter vos culs-de-basse-fosse. Vos silences sont parfois des réponses, vos réponses souvent des mensonges ». Il rappela ce que disait l’instituteur du jeune Nordhal, qui semblait avoir compris le personnage : « Soit on fait de lui quelqu’un de bien, soit ce sera très compliqué ». Son clivage, évoqué par les psys ? « Un passeport pour faire n’importe quoi ». L’oisiveté, l’alcool, les drogues « c’est un choix et choisir, c’est renoncer ». Lelandais « ce pilleur d’existences », est « resté bloqué à ses quinze ans : quand ses copains fondaient des foyers, construisaient des maisons, il installait des jantes s4 sur son Audi (…) passait sa vie avec ses chiens, pas n’importe lesquels, des chiens utilisés par des unités d’élite, de véritables armes de guerre sur lequel Nordahl Lelandais est capable de pleurer, mais pas sur ses victimes ». La sexualité ? « Montrer ses pectoraux sur des sites, séduire à la volée, l’acte se passe sur des capots de voiture, au fond des forêts ». Il se dit convaincu -«ça n’engage que moi»- que Lelandais a repéré Maëlys au vin d’honneur du mariage. N’a-t-il pas téléchargé des photos de physiques similaires sur son téléphone ? Planté devant l’accusé, Me Boguet imagina alors ce que pourrait dire Maëlys, de là où elle est. « Eh, tonton Nono, mon copain, tu ne leur as pas tout dit, tu leur as beaucoup menti, quand tu tournais autour de moi en jouant au ballon. Tu leur as menti quand tu leur as dit que maman était d’accord pour aller voir tes chiens. Oui, Nordahl Lelandais, Maëlys vous parle par ma voix, vous le sourd du boxe ». Insistant : « Qui songerait à embarquer à trois heures du matin un gosse de huit ans sans le consentement de ses parents, sauf dans l’univers torturé de l’accusé ? ». Lui faire avouer ça ? « Il passerait avec succès le détecteur de mensonges ». Il conclut sur la pitié qu’il inspire au papa de Maëlys, dont il a « fracassé » l’existence. « Emportez dans votre cachot la pitié du père de votre suppliciée. C’est une chandelle. J’espère que vous en percevrez un jour le faible éclat ».
À lire : Des psychologues tentent de percer le mystère Nordahl Lelandais
«
Qui de sérieux pourrait dire que le mobile sexuel est incohérent ?
«
Me Fabien Rajon voulut s’adresser d’abord à la soeur de la victime, Colleen, 16 ans, pour saluer son courage, lorsqu’elle déposa à la barre, plantée devant Lelandais, bras croisés, les yeux dans les yeux, en attendant des réponses qui ne vinrent jamais. « Tu vas devoir trouver la force de te relever, d’avoir confiance dans le genre humain. Si tu veux voir ce qu’est une vie médiocre, si tu veux voir où mène le mensonge, regarde cet homme ». Il rappela la dangerosité criminelle de Lelandais, pointé par les psys « au dernier degré possible ». A-t-il changé, depuis sa détention ? Me Rajon dressa la liste des sites pornographiques qu’il continue de regarder depuis sa cellule. Rappela sa perversité. Si Anouchka (sa dernière compagne) avait répondu au texto qu’il lui envoya pour avoir une relation sexuelle la nuit du mariage, « rien ne serait arrivé » dira Lelandais. Et quand il se tourna, un jour d’audience, vers les parents de Maëlys, qu’il sait envahis de culpabilité, que leur dit-il ? « Je tiens à vous dire que vous n’y êtes pour rien ». Me Rajon : « Merci, Nordahl Lelandais, pour votre lucidité ! » Il lut ensuite une lettre que lui ont fait porter Didier et Cécile Noyer, les parents du Caporal Arthur Noyer. « À quoi jouez-vous devant la Cour d’Assises de Grenoble ? (…) Non, ce n’est pas une altercation avec notre fils, c’est un meurtre, vous êtes un meurtrier. (…) Vous n’y êtes jamais pour rien, c’est toujours la faute des autres. Arrêtez de vous servir d’Arthur en évoquant le meurtre de Maëlys. Vous êtes un malfaisant, un menteur, un manipulateur et un lâche. Les 10m2 de votre cellule sont-ils moins vivables que les 2m2 de la tombe d’Arthur ? Que les images de nos enfants morts vous hantent pour l’éternité ».
Le mobile. « Il est sexuel, c’est une évidence ». Pas de preuves, certes. Mais : toutes ces photos de très jeunes adolescentes chargées sur son portable puis détruites le lendemain du mariage, avant de fracasser son téléphone et de le jeter dans un lac. Mais : sa propre mère en est persuadée, témoin une écoute téléphonique après les faits, où elle dit même que la petite a dû se débattre. L’immense majorité de ses amis y croit également. Mais : que trouve-t-on dans la chambre de Lelandais lors de la première perquisition ? Des vêtements d’enfants taille 3 ans. « Qui de sérieux pourrait dire que le mobile sexuel est incohérent ? » Puis, s’approchant de la Cour et regardant les jurés : « Quand voulez-vous que Nordahl Lelandais rôde à nouveau devant les boites de nuit de Chambéry ou devant une maternelle, un collège ? »
Toute reproduction interdite